À l'occasion du 20e anniversaire
Allocution de Denise Pétrin Laflamme
Mon père, forgeron maréchal-ferrant.
Je
ne peux laisser passer l’occasion de vous parler de mon père…
Philippe Pétrin, un grand 6 pieds, bien bâtit avec une force de cheval,
c’est le cas de le dire! Il avait sa boutique de forge dans une vieille
bâtisse qu’on appelait – la boutique à Ti-Bé — de son vrai nom, Adrien
Dubuc et qui était l’oncle de Marcel Dubuc. Cette boutique, détruite en
1992, était située sur la rue des Prés, entre les maisons, anciennement
d’Oscar Daigle et de Gérard Comtois. La
boutique de forge, c’était, avec le magasin général, les lieux de
rassemblement de bien des hommes qui venaient y fumer une pipe, jouer
aux dames ou ne jasent pas de tout, mais de rien. Un sautait la clôture,
une fêterait Pâques avant les Rameaux, enfin. Ce n’était sûrement pas
une place pour les femmes! Bon
vivant sans malice pour 5 cents, mon père était, passé maître dans l’art
de jouer des tours. Il n'y avait pas grand monde qui y échappait. Étant
trop jeune quand lui était jeune, je ne me souviens pas de ses prouesses
du moment, mais, pour vous donner une idée; en 1954, mon père avait
commencé à travailler à la CIL. Durant le dîner, il a souvent inversé le
sel à la place du sucre à des petits jeunes qui ne le connaissaient pas
évidemment. Un certain après-midi, il avait beurré le téléphone de son
boss (dans ce temps-là, tous les téléphones étaient noirs) avec de la
graisse noire! Vous imaginez le tableau, le boss beurré de graisse aux
mains, à l’oreille et autour de la bouche!!! Ce tour-là avait failli lui
coûter son emploi. Évidemment, il s’est fait jouer des tours, mais de
ça, il ne s’en vantait pas!
Revenons dans les temps anciens de ma jeunesse.
En plus de ferrer les chevaux, le
maréchal-ferrant devait user de minutie, d’endurance, de force et
d’habileté pour transformer et façonner le fer surtout, au feu et au
marteau sur une enclume pour réparer les voitures, forger des pentures,
des crochets à foin, remplacer des maillons de chaîne, lisser des
"sleighs", i.e, garnir d’une lame de fer les patins d’une "sleigh" pour
en retarder l’usure et j’en passe… voici quelques exemples de prix tirés
d’un livret de factures de mon père et qui date des années 1947-49;
« Ferrer un cheval
des 4 pattes, en vieux (fers) 2 $, avec des fers neufs 4 $; réparer une
chaîne 0.25 $; réparer une roue de lieuse 2.50 $; bander 4 roues 4 $;
façonner 3 mailles de chaîne 0.75 $; poser un manche de pelle 0.25 $;
filer 9 broches 2.75 $ ». Quels seraient les prix aujourd’hui?
Étant proche du magasin général, mon
père s’y approvisionnait. M. Dollar Hébert, père de Jacques, était un
bien gentil monsieur. Je l’aimais bien.
Sur une photo qui date de 1934, on
aperçoit le magasin général et ses deux portes d’entrée: celle de gauche
pour les hommes et celle de droite pour les femmes. Entre ces portes,
sur le perron, un grand banc reposait et sur lequel une rangée d’hommes
s’y prélassaient… et placotaient : j’y voyais: Mion Dubuc, Paul
Archambault, René Noel, le Gus Malo, Robert Jeannotte, Norbert et
Philippe Laflamme entre autres…
Aussitôt qu’une
fille ou une femme se pointait sur le trottoir en bois, pour se diriger
vers la porte de droite, tous les regards éberlués et subitement muets
des hommes se tournaient vers la nouvelle venue et la suivaient jusqu’à
ce qu’elle disparaisse à l’intérieur. C’était extrêmement gênant. Mais,
aucune femme n’y échappait… À cette
époque, nous demeurions dans une maison à 2 étages en papier brique
brun, dit la maison à ti-moineau, sur le coin des rues des Prés et de la
Fabrique. Ensuite, mon père, son père et son frère ont aménagé la maison
du 220 des Prés, là, où demeure présentement Mme Thérèse Larose. Mon
père a tenu sa boutique de forge jusque vers les années 1950, avec
l’apparition des tracteurs. Et moi
aussi, comme Céline Dion, je voudrais parler à mon père… Merci
de votre attention. Publication : octobre 2013
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